Les jeux Floraux - Notice Historique


 Les Jeux floraux furent institués en 1323 par les Sept Troubadours de Toulouse en vue de maintenir les traditions du lyrisme courtois, compromises après la croisade contre les Albigeois. Le consistoire du Gai Savoir (Consistori de la Subregaya companbia del Gai Saber) convia, par un message dont le texte nous a été gardé, tous les poètes de langue d’oc à venir, au printemps suivant, dans un verger sis au Faubourg des Augustines, disputer devant lui une Violette d’Or et c’est ainsi que le 3 mai 1324 la joïa fut attribuée à Arnaut Vidal, de Castelnaudary, pour une canso en l’honneur de la Vierge. Depuis lors, les concours annuels se sont perpétués à la même date jusqu’à nous (sans autre interruption que celle de la période révolutionnaire). Ainsi la Compagnie des Jeux floraux peut-elle être tenue pour la plus ancienne société littéraire vivante du monde civilisé et en tout cas de l’Europe.
En 1356 furent promulguées las Leys d’Amors (les Lois d’Amour) dont le Consistoire avait confié la rédaction à son Chancelier Guilhem Molinier et où se trouvent codifiées la métrique, la grammaire et la rhétorique du Moyen Age d’oc. Les manuscrits en sont conservés dans les archives de l’Académie, ainsi que ceux des recueils d’oeuvres couronnées par les Mainteneurs aux quatorzième et quinzième siècle (Registres de Cornet, Registre de Galbac).
Dans l’histoire de Toulouse, les origines des Jeux floraux ne semblent pas séparables du mystérieux souvenir de Dama Clémensa, considérée comme inspiratrice et bienfaitrice des poètes. Au dernier tiers du quinzième siècle, un savant jurisconsulte de la Renaissance, Guillaume Benoît, vise expressément dans son cours sur les testaments, professé à Toulouse, le legs fait à la Ville par « cette illustre Dame Clémence », à la charge de distribuer périodiquement des « Fleurs d’argent pour exciter la jeunesse à l’éloquence ». Mais la figure de « Clémence Isaure » ne prendra consistance qu’avec les écrits des juristes et humanistes du XVIe siècle, d’Etienne Dolet à Jean Bodin. Pour justifier cette nouvelle dénomination patronymique – qui reste douteuse – une statue tombale du siècle précédent, image d’une dame de la famille des Ysalguier sera, vers 1540, transportée et érigée au capitole où désormais le Consistoire tenait ses assises, et bientôt pourvue des attributs du Gai Savoir. Cette statue se trouve maintenant en l’hôtel d’Assezat, présidant les séances publiques de l’académie.
Depuis 1527, l’éloge de « Clémence Isaure » est chaque année prononcé en la fête du 3 mai.
Au seizième siècle, la compagnie, qui avait le nom de Collège de Rhétorique, admit à ses concours la langue française, qui bientôt s’imposa de façon exclusive. L’institution fut attentive au mouvement de la pléiade, honora de ses dons Ronsard, Baïf et couronna Robert Garnier le célèbre dramaturge.
En septembre 1694, par Lettres Patentes, octroyées à Fontainebleau, Louis XIV, considérant l’ancienneté de la Compagnie, « l’émulation qu’elle a toujours inspirée aux meilleurs esprits des provinces de Languedoc et de Guienne » et sa réputation « étendue depuis plus de trois siècles chez les étrangers », l’érigea en Académie, porta le nombre des Mainteneurs à trente-six et définit ses statuts. En 1773, par l’Edit de Compiègne, Louis XV confirma les privilèges qu’avait accordés son aïeul et porta le nombre des mainteneurs à quarante.
Aux abords de la Révolution, un roman de Florian popularisa la légende de « Clémence Isaure » en laquelle les érudits de la période romantique, à la suite de Dumège, voulurent découvrir une incarnation de la poésie mystique des troubadours. L’académie qui déjà avait accueilli Millevoye et Chênedollé, vit affluer à ses concours les poètes du Cénacle, les deux Hugo, Vigny, Lamartine, Alexandre Soumet. A dix-sept ans, Victor Marie Hugo reçut un Lis d’Or et, bientôt après, des Lettres de Maîtrise. Chateaubriand compta pareillement parmi les Maîtres ès jeux, titre qui, en 1747, avait été également décerné à Voltaire.
En 1895, remontant à sa plus lointaine tradition, sur les instances de Mistral qu’elle avait appelé à elle vingt ans plus tôt, l’Académie redevint bilingue et admit à son concours, conjointement avec le français, tous les dialectes d’Oc. Cette même année, la libéralité d’un mécène, Théodore Ozenne, lui attribua pour logis l’hôtel d’Assezat, somptueux palais de la Renaissance, où a pris place l’effigie d’Isaure.
L’Académie a été reconnue d’utilité publique par décret du
1er mars 1923 et, depuis plus de sept siècles, « maintient » ses traditionsoriginelles.

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